Congé paternité obligatoire : je suis POUR
par Monica Leite
Alors que la France vient de rallonger le congé paternité à 25 jours fractionnés, le débat national en Suisse ne fait que conforter le seul et unique jour de congé accordé aux nouveaux pères. Le Portugal est le seul pays où il est obligatoire et devient l’un des pays les plus exemplaires, en matière de congé paternité, avec les pays scandinaves et la Slovénie.
La question de la parentalité, quand on est en guerre contre le patriarcat, est assez complexe : accorder des jours de congé aux nouveaux pères permettra-t-il une meilleure égalité des droits entre les hommes et les femmes ? Les plus pessimistes vous diront que cette « théorie des petits pas » ne fonctionne pas.
Introduite en France sous la présidence Chirac en 2002, cette mesure a été faite pour amener les pères à s’engager davantage dans leur rôle parental à la naissance de leur enfant – l’autorité parentale est aujourd’hui complètement égale entre les deux parents. Cependant, un détail chiffonne : le congé paternité reste optionnel. La question de l’obligation du congé parental (maternel et paternel) est fondamentale car celle-ci permet une avancée dans l’égalité entre hommes et femmes par plusieurs points :
- Obligation et protection des travailleurs et travailleuses
Afin d’aider les femmes à conjuguer leur vie de mère et leur vie professionnelle, on a obligé, par voie législative, les femmes à prendre des jours de congé à l’arrivée de leur bébé. Cette loi fut une protection pour toutes les travailleuses afin d’éviter les pressions qu’elles pouvaient subir de la part de leur employeur.
On devrait également contraindre au congé paternité afin de permettre aux pères de s’impliquer davantage dans leur vie de famille et d’éviter les pressions patronales.
- Réduction des inégalités professionnelles
On sait aujourd’hui que les femmes sont plus assujetties à des parcours professionnels chaotiques, car elles assument la plupart des tâches ménagères et des impératifs liés à la vie de famille. Précarisation de l’emploi, temps partiel et interruption de carrière rythment la vie professionnelle des femmes ayant des enfants. L’obligation du congé paternité pourrait aider à réduire les inégalités professionnelles afin que chacun puisse s’investir dans son activité professionnelle et aider les hommes à s’investir davantage dans leur vie familiale.
- Libre choix individuel et choix de société pour l’organisation de la vie de famille
Dans son article du 1er février 2018, sur le blog OFCE de Science-Po, Hélène Périvier explique : « Le caractère obligatoire du congé est contesté au nom du libre choix des pères et des couples de s’organiser comme ils l’entendent. La liberté de chacun et de chacune en matière d’organisation familiale est incontestable, mais le caractère sexué de cette organisation au niveau global en fait un problème social et collectif. Autrement dit, ce qui pose problème, ce n’est pas que des femmes ajustent leur carrière pour consacrer du temps à leurs enfants, c’est que ce soit majoritairement des femmes qui agissent ainsi. De fait, toutes les femmes se trouvent pénalisées par le caractère sexué de la division du travail dans les couples, y compris celles qui optent avec leur conjoint pour une organisation égalitaire. Il s’agit donc d’une externalité négative qu’il convient de corriger. » CQFD.
- La question financière
La question épineuse du coût de cette obligation est mise en avant par les détracteurs de l’obligation du congé paternité. En effet, d’après Hélène Périvier, cette obligation entraînerait un surcoût de 500 millions d’euros. Une somme importante que le gouvernement français ne souhaite pas investir pour le moment. De plus, à l’échelle des individus, certaines personnes perdent une partie de leur salaire à cause de leur congé parental. Une meilleure indemnisation de ce dernier est indispensable pour que les pères et les mères ayant un haut salaire puissent accéder, de manière plus sereine, à leurs congés.
Afin de favoriser l’égalité homme-femme dans le monde professionnel et la vie de famille, le congé paternité est une obligation pour enfin changer les mentalités.
Dans la lutte contre le patriarcat, les mesures prises à part n’avancent pas notre cause : l’écriture inclusive permettra-t-elle une égalité des salaires entre hommes et femmes pour le même travail et à compétences égales ? La mise en place du congé paternité permettra-t-elle aux femmes de ne plus subir les remarques sexistes au travail ? Je vous dirais non, sans aucun doute. Néanmoins, si l’on met toutes les mesures ensemble, on forme un arc-en-ciel d’égalité et de prise en charge de tous et de toutes. Le combat continue…
Sources :
https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/10050-2/
https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1098.pdf
https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A14932
https://expresso.pt/sociedade/2017-07-15-Direito-dos-homens-a-serem-pais
Wall Karin, Leitão Mafalda, « Exercice de la paternité et congé parental en Europe : le congé paternel au Portugal, une diversité d’expériences », in Revue des politiques sociales et familiales, n° 122, 2016, pp. 33-50.
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