À propos d'«Agnodice, l'insoumise»
par Danielle Ott
Agnodice, première sage-femme de l’Histoire. Athènes, IIIe siècle avant J.C.
Ce que l’on appelle souvent « siècle de Périclès » (Ve avant J.-C.) est très connu des historiens, car c’est vraiment l’âge d’or de la démocratie athénienne. C’est aussi l’apogée de sa puissance dans le monde grec. Athènes est alors la capitale intellectuelle, artistique et politique de l’Antiquité : grandes écoles philosophiques, constructions gigantesques et somptueuses, réalisations de sculptures exprimant toutes un idéal d’harmonie et de perfection, statues d’ivoire et d’or dans les temples, de marbre et de bronze dans les rues et sur les places de la cité. Modèle de démocratie, enfin, où le citoyen a l’obligation de participer aux diverses assemblées – à l’exclusion toutefois des étrangers, des esclaves et des femmes. Tout a été dit sur cette époque.
Alors pourquoi ne pas s’intéresser plutôt à des périodes de transition, d’incertitudes et de doutes, voire de déclin ? C’est là que se situe précisément l’histoire que je raconte dans ce livre, Agnodice, l’insoumise.
Être une femme athénienne au cours du IIIe siècle avant J.-C. n’est guère plus simple qu’à l’époque de Périclès. Le statut de la femme a peu évolué ; elle n’a toujours aucun droit politique ou juridique. Elle reste enfermée dans son gynécée où, certes, elle règne en bonne maîtresse de maison, mais la rue n’est pas pour elle ! Ni les banquets où se pavanent les courtisanes, ni les assemblées réservées aux hommes, ni les théâtres, ni les écoles philosophiques, à de rares exceptions près. Il n’y a guère que les fêtes religieuses qui lui donnent l’occasion de sortir de chez elle.
Comment, dans ces conditions, une jeune fille de famille aristocratique peut-elle prétendre apprendre autre chose que les pratiques domestiques ? Comment peut-elle satisfaire sa curiosité intellectuelle et poursuivre des études lui permettant de réaliser sa vocation ? Mais quelle vocation ? Agnodice désire de toutes ses forces devenir gynécologue, car elle souffre de la douleur physique de ces femmes qui accouchent dans des conditions atroces, qui meurent en couches ou mettent au monde des enfants mort-nés, de la douleur morale de ces femmes stériles mises au ban de la société.
Plus généralement, elle se rebelle contre le sort de ces petites filles non reconnues et abandonnées dès les premiers jours de leur vie, de ces fillettes non ou mal éduquées, de ces jeunes filles mariées sans leur consentement, de ces femmes confinées dans leur maison.
Sage-femme, accoucheuse, elle pourrait facilement le devenir car cela ne nécessite aucune connaissance théorique. Mais ce n’est pas ce qui l’intéresse. Elle veut suivre des études de médecine et conquérir le droit d’exercer ce métier encore réservé aux hommes. Elle désire se spécialiser dans la connaissance des maladies propres aux femmes.
Elle a la chance de naître dans une famille aisée et d’avoir pour père un homme cultivé, très critique à l’égard des préjugés sur la soi-disant infériorité naturelle des femmes. Aussi décide-t-il de prendre en charge personnellement l’éducation de sa fille dont il a vite décelé les qualités intellectuelles exceptionnelles. Il lui donne à lire des textes d’Aristote, d’Hippocrate, s’efforçant de les lui rendre accessibles. Il développe en elle curiosité intellectuelle et exigence de liberté : il l’emmène au théâtre, ne l’oblige pas à participer à toutes les fêtes religieuses, ne lui cherche pas de mari. Une réelle complicité les unit.
À 20 ans, elle décide de se travestir en homme, afin de pouvoir entreprendre le voyage d’Athènes à Alexandrie pour assister aux cours du célèbre Hérophile et décroche son diplôme de gynécologie après trois ans d’efforts pour à la fois apprendre et dissimuler son identité.
De retour à Athènes, elle commence à exercer son art, et ses patientes sont de plus en plus nombreuses à admirer la qualité de son écoute, la finesse de son doigté et l’efficacité de ses soins.
Les médecins athéniens, furieux et jaloux, lui intentent un procès. Encore faut-il trouver un chef d’accusation. Pensant avoir affaire à un homme, ils prétendent qu’il a violé certaines de ses patientes. Pour échapper à la condamnation à mort, elle dévoile devant ses juges son corps de femme. Mais alors, elle peut encore être condamnée pour exercice illégal de la médecine. C’est alors l’ensemble de sa patientèle qui manifeste la volonté de se donner la mort en même temps qu’elle s’ils ne reviennent pas sur leur décision. Les juges reculent et abandonnent leurs poursuites.
Non seulement elle est innocentée, mais on dit même que c’est grâce à elle que la loi athénienne sur l’exercice de la médecine a changé.
Danielle Ott a écrit cet ouvrage en autopublication. Si vous souhaitez vous le procurer, vous pouvez contacter l’auteure ou commander son livre aux adresses suivantes :
Danielle Ott
266 B, impasse des Tournesols, 30 000 Nîmes
Tel : 06 74 44 30 46
dan_ott[a]hotmail.fr
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