Orgasme et plaisir
Par Jean-Paul Lépine
Je suis cis, hétéro et j’ai pas mal d’heures de vol au compteur.
“95 fois sur cent, la femme s’emmerde en baisant” chantait Brassens en 1972.
Moi, j’ai parfois fait l’amour sans plaisir, par obligation presque, mais rarement.
La découverte du plaisir et de l’orgasme féminin a été pour moi lente et laborieuse. Solitaire aussi, finalement, car il est difficile d’en parler. J’aimerais en parler, car il est con de passer à côté de ce plaisir, pas si simple mais gratuit et compatible avec le confinement. Alors voilà…
Quand j’étais jeune, au lycée, il y avait ceux qui l’avaient déjà fait et les autres, les puceaux.
Faire l’amour, c’était qu’une femme vous laisse introduire votre bite dans son vagin. Ce n’était pas pareil qu’être amoureux.
J’avais été plusieurs fois amoureux.
Ma première histoire s’est passée avec A. qui avait pas mal d’expérience sexuelle et qui adorait faire l’amour. On faisait l’amour souvent.
Je jouissais rapidement. Ce n’était pas un problème mais dans l’ordre des choses : la conclusion normale d’un “rapport sexuel”.
Son orgasme n’était pas au programme, elle n’en avait jamais eu, n’en attendait pas. Mais elle avait du plaisir à faire l’amour et à l’amour tout court.
On s’aimait, on faisait l’amour comme ça, voilà.
Il y avait la pilule et pas encore le sida.
§ Plaisir féminin : oui, je le pensais ; orgasme féminin : non.
J., une rencontre de vacances, était clairement consentante à nos rapports sexuels, je vous le jure. Notre première soirée s’est terminée dans son lit, les autres aussi.
Mais elle m’a dit à un moment qu’elle n’aimait pas tellement ça, en général. Elle avait été traumatisée, adolescente, par les avances d’un ami de la famille, sans préciser jusqu’où étaient allées ces “avances”.
Elle m’offrait donc ce plaisir, même si ça n’en était pas un en soi pour elle, parce qu’elle m’aimait (ou m’aimait bien). Et peut-être parce qu’elle savait bien que quand on sortait avec quelqu’un, on faisait l’amour. Et qu’elle avait envie d’être avec quelqu’un. Avec moi !
Elle m’a dit aussi qu’elle avait un ami régulier, à qui elle n’avait rien dit et qu’elle comptait garder.
– Tu comprends…
J’habitais loin, allais partir en voyage, et ne pourrais pas assurer le quotidien.
§ Plaisir féminin : oui, de faire plaisir ; orgasme féminin : non.
Avec F., j’ai eu une aventure secrète et qui n’a pas pu durer : son père ne devait pas être au courant. C’était furtif, dangereux, compliqué, excitant.
- Non mais ! Je ne vais pas rester vierge jusqu’à mon mariage !
Elle était excisée.
§ Plaisir féminin : oui ; orgasme féminin : je ne sais pas, nous n’avons pas parlé de ces choses-là.
J’ai rencontré H. sous les tropiques, au bord d’un lac, chaud comme une soupe, dans un campement où tous les routards internationaux descendaient.
L’ambiance était détendue.
Elle était encore vierge et faisait le pas. Rester pucelle, pour une fille, ce n’est pas terrible non plus.
§ Orgasme féminin : peut-être pas ; plaisir, oui peut-être, mais plaisir de quoi ?
Et puis j’ai rencontré C. qui m’a dit que ma rapidité d’exécution la laissait insatisfaite :
- Tu vas me rendre frigide !
Elle avait sa technique pour essayer de prendre son pied avant moi. Je ne devais pas être le seul éjaculateur rapide qu’elle ait rencontré.
§ Plaisir féminin : moyen ; orgasme féminin : parfois.
Faire l’amour est compliqué. Une amie m’a expliqué qu’un mec “bon au pieu” doit être capable de “tenir” longtemps. D’attendre que sa partenaire trouve son plaisir aussi.
Voire de lui en donner!
Il y a les préliminaires qui doivent faire monter tout doucement le désir (chez la femme, nous, on n’a pas besoin).
Mais ça ne suffit pas.
L. était américaine et je l’ai raccompagnée à l’aéroport. Avec une tente et un camping gaz. Mes nouvelles recherches sur le cunnilingus m’ont obtenu des remerciements chaleureux pour l’effort, mais sans résultat. Les tutos étaient difficiles à trouver à cette époque et l’industrie pornographique, n’ayant pas pour cible la clientèle féminine, ne s’embarrassait pas de son plaisir (on voyait bien qu’elles jouaient).
§ plaisir féminin : oui ; orgasme féminin : non.
Au début d’une aventure, l’envie est là, forte, partagée, tout est bon. On ne se voit pas tout le temps…
§ Plaisir féminin : oui ; orgasme féminin : oui, parfois, mais pas toujours évident (Allez savoir si elle simule gentiment ?).
Et puis le grand amour définitif.
Je finis par arriver à « tenir », à attendre, à découvrir le plaisir de l’orgasme simultané !
§ Plaisir féminin : oui ; orgasme féminin : oui. C’est tout bon.
Quelque temps plus tard arrive la question du consentement.
Pas maintenant ? Pas ce soir ? Pas les seins ? Pas comme ça ?
§ Plaisir féminin : oui ; orgasme féminin : oui, mais pas toujours.
Illustration : ©Le Vide Poche, site internet et Instagram
Cet article vous a plu ? Pour encourager la publication
des prochains numéros, inscrivez-vous simplement à notre newsletter !
De la difficulté de se penser PD
Pendant longtemps, j’ai été seul. Seul dans le monde et seul dans mon corps. Qu’est-ce que mon corps ? Un espace en lutte que j’ai habité tant bien que mal à partir de l’adolescence.