Lettre à mon corps d’amour!
Par Monica Leite
Je pose ces quelques mots sur le coin d’un papier brouillon.
J’ai un énorme besoin de te parler, de te dire, de t’écrire, de te crier, de te prouver.
Tout le respect et l’amour que je te porte.
À l’aube de mes trente ans et après plus de deux décennies à vouloir ressembler à ces images photoshopées qui inondent notre quotidien, je me suis enfin libérée de cette tyrannie. Je te laisse être celui que tu es. Je te laisse vivre.
Petit flash-back : j’ai à peine dix ans, que la majorité des personnes veulent me mettre au régime. Des bourrelets, des grosses cuisses, un petit bidon. Il fallait que je rentre dans la norme de la minceur et que je ressemble à tout le monde. Sous le prisme de la santé, je devais maigrir. Je me suis affamée, irritable, mais ce qui compte c’est que je rentre dans un 36. On m’enlève la nourriture de la bouche en me grondant violemment. Les regards se portent sur moi comme des détecteurs de mouvements prêts à me lancer une décharge si je m’approche d’un bout de pain.
Toute mon adolescence, j’ai dû faire face aux regards des autres. Une bien dure épreuve pour une jeune fille en quête d’identité et de confiance en elle.
Au fil des années j’ai tenté d’être mince, voire maigre. Régimes improbables, pesées intempestives, mesures insensées rythmaient ma vie dans cette existence bien triste et morose. Je t’ai beaucoup torturé pour maigrir. Tu portes les stigmates de mes folles lubies destructrices. Tu as supporté les effets de va-et-vient de mes kilos en trop. Tu as souffert de mon mal-être. Tu as subi la distorsion de mon image dans le miroir et mes grosses crises de larmes.
Avec l’âge, on apprend que tu te transformes tout au long de la vie. On comprend que la perfection n’existe pas. C’est une chimère pour nous forcer à être beau ou belle, et convenable dans un monde bien terne. On comprend également que la clé de l’acceptation de soi ne se trouve pas chez les autres, mais en nous. La difficulté de se connaître et de s’accepter tel·le que l’on est, face à la cruauté que l’on peut lire dans le regard des autres, nous rend vulnérables du haut de notre jeune âge. Au final, nous pensons bêtement qu’une fois rentré·e·s dans la norme, nous serons acceptés·e·s.
Aujourd’hui une tumeur s’est introduite dans mon organisme, comme une alerte.
Une alerte qui me somme d’arrêter de te mépriser et de t’infliger d’atroces souffrances. Ces douleurs allaient laisser place à une autre beaucoup plus forte. Une cicatrice visible sur mon cou comme un rappel, celui de ne jamais abandonner et de t’accepter enfin tel que tu es.
Je te demande donc pardon, Cher Corps. Pardon pour toutes ces vergetures qui te marquent à vie et te rappellent mes nombreuses transformations. Pardon pour ces longues nuits où mon estomac criait famine. Pardon pour t’avoir tartiné de crèmes soi-disant miracles, que tu as dû supporter. Pardon pour t’avoir imposé un idéal inatteignable.
Ces erreurs, je ne les regrette pas. Elles rendent notre relation encore plus forte. À travers ces quelques phrases, je veux te dire, te crier, te prouver, te le chanter même : JE T’AIME. Je t’aime comme tu es. Ni plus mince ni plus gros, ni plus beau ni plus lisse. Je t’aime comme tu es.
Dès à présent, jouissons ensemble d’une relation apaisée. Sans interdit, sans abus, sans pression, sans blessure volontaire. Je te promets de te dorloter et de te chouchouter. Je prendrai du temps pour toi. Je t’accorderai des soirées de détente et de plaisir où l’on se rapprivoisera.
Maintenant je connais le prix de la vie. Jouissons d’elle dès à présent, avant que celle-ci décide de s’éteindre à tout jamais.
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