Maman a des gros bras
Lutter contre les stéréotypes de genre
par Jeanne Rhode, du collectif Jeux Demain
Depuis septembre 2019, nous (le collectif Jeux Demain) animons des ateliers avec des élèves d’écoles maternelles à propos des stéréotypes de genre*. Pas facile de savoir comment parler de genre avec des enfants de 4 ou 5 ans. Mais finalement, c’est tout à fait passionnant ! “Chasse aux stéréotypes” est le premier d’une série d’ateliers à propos de l’égalité filles-garçons et des stéréotypes de genre. L’objectif de cet atelier est de s’interroger sur les choix et les droits que chacun·e a en fonction de son genre, par le biais d’une chasse au trésor et d’ateliers graphiques. Une fois par semaine et durant trois mois, nous tentons de chasser les stéréotypes qui sont déjà bien ancrés en chacun·e d’entre eux·elles, même à 4 ans. Ceci a d’ailleurs été une surprise pour nous.
En 2019, alors que nous interviewons les élèves pour avoir une idée de leur rapport au genre et aux stéréotypes, nous nous rendons compte, petit à petit, de l’emprise des constructions genrées. Les barrières que ce fonctionnement binaire édifie sont déjà solides et multiples. Plus tard, nous apprenons d’ailleurs, par le biais d’une étude réalisée par deux chercheur·euse·s de l’Institut des neurosciences Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Sud) et publiée dans la revue BMC Psychology, que le système de genre existe déjà alors que nous ne sommes encore que des bébés. Ce sont bien les stéréotypes des adultes qui sont projetés sur les bébés et non l’inverse. Tandis que les corps ne sont pas encore différenciés, les attitudes et les comportements le sont d’autant plus. Comme s’il fallait pallier le manque de différenciation. Petit à petit, nous nous rendons compte que, même sans le faire exprès, nos réactions, nos gestes, nos remarques valorisent les actes qui rentrent dans la norme. Il va falloir être extrêmement vigilantes !
Cette prise de conscience est difficile, mais la suite est bien plus sympathique car à 4 ans, les stéréotypes sont ancrés depuis peu. Les réactions des élèves de maternelle sont incroyables, moins de peur que chez les adultes, plus de simplicité et surtout beaucoup d’imagination pour proposer des idées. Nous fabriquons avec elles.eux de grands personnages ni fille ni garçon, vêtu·e·s de jupes et de pantalons. On découpe des bulles dans lesquelles, avec leur calligraphie encore hésitante, ils.elles écrivent leurs slogans : “Les filles sont aussi fortes que les garçons”, “Ma maman a des gros bras”, “Les pirates ont des boucles d’oreilles”, “Y a des filles qui adorent transpirer”. À la fin du premier cycle d’atelier, nous affichons ces grandes silhouettes dans l’école, fier·ère·s du travail accompli. Bien évidemment, ce n’est qu’une pierre jetée dans la mare et nous comptons aussi quelques réactions négatives venant d’adultes étonné·e·s, inquiet·ète·s, voire en colère. Pour elles·eux, nous dégénérons les enfants et participons à la destruction d’une binarité nécessaire et naturelle. Ces réflexions, quelque peu déstabilisantes, nous ont finalement poussées à continuer. Après le doute arrive la certitude d’être sur la bonne voie. Ne pas être cantonné·e à des activités, à un comportement ou à un style vestimentaire, c’est avoir plus d'options pour se sentir bien.
Ainsi, nous continuons la chasse aux stéréotypes de genre avec les maternelles, mais aussi avec des plus grand·e·s, et nous ne sommes pas au bout de nos surprises !
Témoignage de Jeanne Rhode, du collectif Jeux Demain
* Les stéréotypes de genre sont des caractéristiques arbitraires fondées sur des idées préconçues, que l’on attribue à un groupe de personnes en fonction de leur sexe biologique.
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