TTIIIITTRRREEE!*
par Kiss
Ass
L
Il n’y aura pas plus de cohérence dans ce texte qu’il n’y en a dans l’expression de mes genres, t’as vu genre ? J’ai pas envie d’écrire bien. Je revendique d’ailleurs une certaine vulgarité, dans le sexe aussi. Pouvoir se brancher salement, c’est bon pour guérir de nos petites filles enfouies au fond, dressées à la délicatesse et au bon goût. Si tu savais tout le mal que je pense de la sexualité à cause de cette petite fille qui m’emmerde, et toutes les fois où je cherche à terrasser ce mal(e ?), dans l’extase comme dans la douleur non consentie. Et aussi, j’aime le cul. Et le mien, et le tien. Enfin surtout le mien en ce moment. Ça fait des mois que j’ai pas de sexualité partagée, mais alors comment je me réinvente solo !
je suis rentrée
coup d'œil miroir
tête de dépravée
vulgaire vulgaire
maquillage coulé
j'me kiff en fin de nuit
pilote auto
corps à corps
reflet à reflet
surface gelée
à la glace collée
Je ne suis pas une femme, je ne l’ai jamais été je crois, j’ai peut-être été une fille, les premières années de ma vie. Et très vite une gouine. Bam, sortie de route. J’ai pas très envie de passer des heures à t’expliquer pourquoi je ne suis plus une femme une fois que je deviens gouine. Mais en passant je peux te dire : je sors du jeu binaire homme/femme. Dans tout ce qu’il comporte, les très nombreuses assignations à être, être de telle ou telle façon pour être valable sur le marché du cul hétéro, sur le marché du couple qui s’installera, sur le marché de la reproduction sexuelle. Dans mon devenir gouine il y a tout ça qui fout le camp, qui va se nicher dans d’autres normes, et sur d’autres marchés, mais dans un premier temps c’est plutôt abyssal. Ne pas faire partie du game, si ça ne t’effondre pas, ça te donne mille possibilités, un éventail bariolé… C’est des sensations dans le regard des autres quand tu t’affirmes, c’est des rejets homophobes, c’est des décalages quand tu te frottes au corps de ta première copine, amante et que tu sens l’hétérosexualité qu’on t’a rentrée à coups de fers parce que là, la première fois que tu la prends dans tes bras, t’as l’impression d’être un gars… juste parce que t’as jamais vu que des gars faire ça. C’est le fait que faire des mômes, une activité qui structure sacrément (je pèse mon adverbe) notre société et qui mine nos sexualités, c’est plus du tout une évidence, et, parce que c’est compliqué, la soi-disant évidence de ton désir de meuf pour cette activité, s’éloigne, s’éloigne, s’éloigne.
Le cul, la sexualité c’est pas une espèce de pacte, culturel, noué de rapports de force, de représentations, de classification naturalisante de zones érogènes et de zones nazes ?
J’ai toujours été attirée par des meufs très différentes, et seulement par des mecs chauves, plutôt gros, tu te l’expliques ça ?
Il est cinq heures
Du matin
On a baisé des heures et on s'est endormies
Je me réveille
Moi plat ventre, toi sur le dos, mon sexe repose encore sur ta main
Tu te réveilles, grommelles, agites les phalanges
Clito
Oui ? Tu veux bien ?
Ta main est engourdie
Je me caresse dessus, tête baissée, pendant que tu me regardes d'en haut
Je peux me sentir un mec quand tu me touches là ? C’est quoi cette impression de virilité qui m’assaille quand je te regarde de haut. C’est pas des bouts d’UN autre dans moi, des sentiments de déjà vécus. C’est moi. C’est ma Bite. Celle dont on nous a privées, nous les moules, qui avons à peine un sexe tant on ne nous l’a jamais montré. C’est ma fiction, et c’est donc ma vérité de chair et d’os en tas. Si je ne peux pas emprunter quelques heures tes pantalons de cuir, ma vie n’aura servi qu'à moitié. Glisser dessous mon slip rouge salope à cul apparent, Play Boy. J’ai pas besoin qu'on se touche, j’ai envie de te regarder fanfaronner dans le costume que tu te seras choisi, sans même un regard pour moi, kiffant ta propre gloire dans ma cave sans public. Je suis au fond sous l’alcôve mais plongée dans le noir.
Réveillée en sursaut par un coup sur le mur
Les voisines
Semblent s'amuser
Je vois des têtes de coq
Elles me picorent
Leurs cous enfilés dans mon sexe
Le mur tremble
Je jouis avec
Nichons, miches, boobs, pies, protubérances.
Il y a deux semaines, je les aurais fait enlever, je ne pensais que binder. Aujourd’hui qu’ils sont énormes, proches de l’évacuation mensuelle de ma poche utérine en lambeaux (t’as compris, je vais avoir mes règles), ils me font mouiller. Leur sensibilité douloureuse m’excite. Ils m’excitent d’autant plus qu’ils sont inutilisables, font trop mal. À la pointe de ma suavité meuf, je m’épanouis dans le désir du contre, un désir contradictoire : Je te colle des claques de Aye si tu me les touches. D’ailleurs, t’as pas envie de les toucher ?
L’autre jour, j’ai gratuitement acheté des capotes à un distributeur dans la rue, il faisait nuit, je rentrais du travail, et ça m’a plu. Je pense que c’était la première fois de ma vie. Je ne sais pas pourquoi je les ai achetées. Pour des fantasmes, pour le plaisir de les gâcher en solo empalées sur un gros gode. Tu vois, rien qu'à l'écrire déjà, je vais faire une petite pause dans ma chambre…
immobile et seule
seule enfin
mentalement concentrée sur mes orteils
je remonte
cheville, genou, bassin
va et vient
auto zumba au plumard
contractions
délectation
projection évacuation
J’ai su, peut-être depuis longtemps, que je ne croyais pas à l’authenticité, à l’être, au soi profond et à son pendant dans la sexualité : le sacre extrême, le nu face à toi. Je ne suis pas nue face à toi, encore moins quand je suis à poil. Le poids des codes ne s’efface jamais. Il ne s’agit que d’apprendre à jouer avec, à l’alléger ou bien à l’alourdir. À s’exhiber dans sa honte ou sa fierté, ou les deux à la fois, et les jouer, ou à se vêtir de sa tenue choisie pour le moment, jamais la même. Ce matin au pied de ton lit, je ne suis que mon dentelle personnage, ou une chienne de choix. Plus je joue, plus je suis moi, il ne s’agit pas de falsification, il s’agit de laisser faire irruption les mille facettes qui s’entrechoquent dans tes plis.
Ai chopé sac à jouets
D’une main, harnais équipé sur un tabouret de bar attaché
Comme au pub mais seule au milieu du salon
Assise comme si de rien sur un gode bien profond
Face à la vitre pâle reflet rieur
Dans la nuit exposée au voisin voyeur
Les pieds de mon trône tapent sur le plancher
Cocotte minute qui siffle dîner, orgasme exaucé
Je ne veux pas de cette misère faite de peurs, qui trône dans l’Exclusivité. Je ne veux pas te posséder et que tu me possèdes, et de cet arrachement aux autres tisser une toile d’envies frustrées, de refus, de croyance que “seule toi”. Je ne veux pas te quitter et me rendre compte que plus personne ne me touche, être assignée ainsi à ce qu’un Toi existe toujours dans ma vie. Je veux rire à gorge déployée de nos ratés ou de nos élans. Riche. Être riche de corps, de cul, et d’amour pour vibrer dans le présent quelle que soit la gueule de celui.elle d’en face, quel que soit notre passé, poser les codes actuels de notre relation. Bougeons les lignes. Je ne veux pas de la misère qui m’enchaîne à la première qui daigne me toucher, me pousse à accepter parfois un toucher sans âme et si peu de plaisir, me pousse au dégoût sans pouvoir réagir. Parfois j’ai envie de vomir que tu me touches, et c’est tellement soi-disant précieux ce qu’on vit que je ne peux même pas le dire.
quand je jouis
j’en bave à en crever
j’ai mal partout
je me pisse dessus
j’ai envie de chier
l’impression d'être électrocutée
anesthésiée à dégueuler
à tituber
c’est à gerber
J’ai des relents sado, fleur bleue, costard, trauma (violée, violée, violée), génitaux, juste peau à peau, grosses fesses, aiguilles, des moments où j’arrive même pas à dire ce que je veux et d’autres où je peux te filer des ordres.
Pieds tendus, sur tes épaules
Me guette d'un œil
Suce mes orteils
Je m'occupe de moi
Avec mes doigts
Oublie-moi
Je m'appuie juste sur toi
Fais la brique
Ferme ta gueule
Lisez Guillaume Dustan parler des kilomètres de bite qu’il a apprivoisés ou qu’il a laissés l’apprivoiser, lisez Dorothy Alison arborer ses godes-ceintures, lisez Paul B. Preciado et sa société contra-sexuelle, ou encore Rupi Kaur, pour toute la renaissance après la souffrance d’être née dans des corps assignés meufs et les violences qui en découlent. Enfin, écoutez Elza Soares chanter, du haut de ses au moins (?) 70 ans, sa peau qui sue et son cul désirant.
Jesus
TTTIIIITTTRRREEE!*
*tu connais ce jeu ? Quand quelqu’un.e dit une phrase qui pourrait ressembler au titre d’un film porno tu cries TTTIIITTRREEE!
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De la difficulté de se penser PD
Pendant longtemps, j’ai été seul. Seul dans le monde et seul dans mon corps. Qu’est-ce que mon corps ? Un espace en lutte que j’ai habité tant bien que mal à partir de l’adolescence.
Je suis Vénère #1
Je suis en colère. Tout le temps. Ça se voit pas. Oh non. Non, parce que moi je suis une fille douce. Une femme, il paraît, même (même si c’est pas encore très clair pour moi). En tout cas, je suis quelqu’une de doux. Sensible. Gentille. À l’écoute.