Y’a quoi dans ma zézette ?
par Ana Ciotto
Ce matin au petit-déj’, Lou, presque 4 ans, me demande : “Maman, y'a quoi dans ma zézette ?”
Effectivement, je l’avais déjà vue partir à la découverte de sa vulve. Tranquillement sous la douche, en y mettant les doigts, voire à s’en faire mal (c’est un bijou ma chérie, faut en prendre soin !) ; ou l’ouvrant avec ses deux mains et nous la montrant avec enthousiasme, tel un paon qui fait la roue, un sourire fier illuminant son visage. Bon alors après avoir pouffé de rire, j’avais repris, à peu près comme ce que je disais à Mattis au même âge : “Ça ne va pas être possible. Je suis ravie que tu adores ton corps, mais là, on va devoir mettre les choses au clair.”
Je déroulais ensuite le tapis de l’intimité et du consentement, ce que tu peux faire, ce que tu ne peux pas, quand tu es seul·e, quand tu ne l’es pas, et bla-bla-bla. Message clair.
Bref.
Je l’avais donc déjà vue partir à la conquête de sa vulve, mais aujourd’hui, entre deux crocs dans sa tartine, nous sommes en tête-à-tête et la question arrive.
Moi, je suis très pragmatique, très scientifique. J’ai une règle d’or : quand quelqu’un pose une question, c’est qu’il est prêt à entendre la réponse.
Alors non, je n’en profite pas pour répondre à des questions qu’elle ne m’a pas posées, je n’imagine pas à sa place la suite de questionnements qui va en découler, je n’en profite pas pour lui parler orgasme et pénétration. Non. Je réponds à la commande, que je pourrais reformuler ainsi : “C’est quoi la partie rouge que je vois quand j’écarte ma vulve et regarde à l’intérieur ?”
Je prends donc une feuille de papier, je dessine sa vulve “fermée” puis sa vulve “ouverte”, et je nomme simplement le bouton du clitoris, les petites lèvres et les grandes. Voilà. Elle est contente. On continue le petit-déj’. Pas d’autre question, elle voulait juste un peu de vocabulaire.
On part ensuite à la salle de bains pour se brosser les dents avant le départ pour l’école. Deux choses quasi simultanées se passent :
Lou scande à tue-tête : “Moi j’ai un clitoris !”
Mattis trouve le dessin et dit : “Maman, Lou dit n’importe quoi, elle m’a dit que c’est des lèvres ! Mais c’est pas une bouche, c’est une zézette !”
Oui, bon. Alors je reprends pour Mattis. Très content d’être informé, il me dit qu’à l’âge de Lou, il s’était demandé ce qu’il avait dans le zizi : un os ? Combien de tuyaux ?
“Mon Dieu les enfants, il est 23, dans deux minutes on doit être partis pour l’école, on peut reprendre ça plus tard ? On n’a pas du tout assez de temps, là ! Mais non, aucun os dans ton penis, je t’expliquerai les tuyaux plus tard ! Mettez vos chaussures ! Lou, mets tes baskets, t’as saut en longueur ce matin ! Mattis, prends un masque propre !”
Et… et merde !
Là, j’ai une pensée qui m’angoisse.
Ça, c’est comme la fois où Mattis a brisé les rêves de son pote parce qu'on ne lui avait jamais fait croire au Père Noël. Il avait vendu la mèche alors que son ami n’avait strictement rien demandé !
Merde merde merde ! Comment on éduque les enfants selon sa grille de valeurs alors qu’ils vivent en collectivité avec d’autres enfants qui ont eux-mêmes des parents avec d’autres grilles de valeurs ?
T’imagines Lou à la récré ? “Et moi j’ai un cliiitoriiiis et des peeeetiteuh lèvreuh ! Mais aussi des grandes, hein ? Tu veux les voir ? Ah non, maman elle a dit c’est intime. Tu veux un dessin ? Regarde ! C’est foooormidable !” (en ce moment, tout est formidable pour Lou).
Il me reste une minute et vingt-cinq secondes.
“Les enfants. J’ai répondu à vos questions, mais ça reste entre nous. Les autres enfants ne se posent pas forcément ces questions, et vous allez leur faire un choc à leur en parler s’ils n’ont rien demandé. Chacun ses questions, chacun son rythme. On n’étale pas sa science pour faire les malins. C’est clair ?”
Pour Mattis, c’est limpide.
Lou demande : “Mais pourquoi ?”
“Lou, le clitoris, c’est comme le Père Noël.”
Limpide.
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