Vasectomia
“Lise a assumé une vingtaine d’années la gestion de notre fertilité dans nos rapports sexuels, c’était assez logique de la soulager de cela pour la suite de notre relation.” Rencontre avec Joël et Lise, pour parler vasectomie masculine, égalité et libération du corps féminin.
Lise Desportes est illustratrice. Connue sous le nom de Liliaimelenougat, elle a déjà publié quatre ouvrages parmi lesquels Jolis sauvages, Mon Bullet sacré, La Parentalité créative avec Catherine Dumonteil-Kremer et La Vie zéro déchet dessinée avec Marjolaine Solaro.
Son compte Instagram, suivi par près de 20 000 personnes, raconte en dessins et en bulles tout ce qu’elle voit, vit, expérimente et qui lui tient à cœur : l’écologie, la parentalité, l’instruction, la céramique, le tout-fait-maison, ou encore le féminisme… Lorsque Joël, son conjoint, a choisi la vasectomie comme moyen de contraception, ils en ont parlé autour d’eux et se sont rendu compte à quel point cette méthode était méconnue, voire taboue. Alors elle en a fait une planche. Retour en images (avec Lise), et en mots (avec Joël) sur la vasectomie.
Comment la vasectomie est entrée dans ta vie ?
Joël : Plusieurs facteurs m’ont amené à envisager une vasectomie. Le plus ancien est sans doute la vague inquiétude que je ressentais à savoir que Lise prenait la pilule. Je crois que cela fait encore aujourd’hui débat mais je n’ai jamais trouvé saine cette prise d’hormones quasi imposée aux femmes. Lise a fini par opter pour un stérilet avec d’autres problèmes à la clef (mise en place et retrait douloureux, soucis qu’il soit bien installé, présence d’un corps étranger dans une zone très intime de l’organisme…). Il y a en somme un souci de préserver mon amie d’un point de vue médical, qui est présent depuis un moment. Bien que je doive avouer que, sans solution évidente sous les yeux et ne considérant pas ce sujet à l’époque comme me concernant autant que Lise, je n’ai pas fait grand-chose pour améliorer la situation pendant de nombreuses années.
Cela me permet d’en venir à un autre facteur qui est peut-être plus important : la prise de conscience du poids que représentent la fertilité et son corollaire, la contraception, sur les épaules de mon amie. À force de lectures et de discussions, je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucune raison autre que culturelle à ce que cette préoccupation ne soit pas partagée. Pourquoi serait-ce à elle de “faire attention” en permanence ? Si j’estime que nos enfants sont autant les miens que les siens, alors la question de la contraception me concerne tout autant qu’elle, non ?
Lorsque j’ai commencé à y réfléchir sérieusement (environ un an avant de passer à l’acte, notamment parce qu’un bon ami avait fait ce choix), je me suis dit que Lise avait assumé une vingtaine d’années la gestion de notre fertilité dans nos rapports sexuels et que c’était assez logique de la soulager de cela pour la suite de notre relation. Surtout que c’est une solution bien moins pesante au quotidien que les méthodes de contraception féminine.
J’ai dû alors me poser une question essentielle : comptes-tu avoir d’autres enfants ? C’est là, il me semble, un enjeu fort de la vasectomie : bien qu’elle puisse être réversible dans un certain nombre de cas et qu’on puisse conserver des spermatozoïdes à la banque du sperme, elle doit davantage être assimilée à une stérilisation qu’à une contraception. Mon avantage sur cette question est que la réponse était fort simple : non, je ne comptais pas avoir d’autres enfants, que ce soit avec Lise ou une autre compagne. Mes deux enfants comblent parfaitement mon envie de parentalité. J’ai d’ailleurs fait le choix de ne pas conserver de spermatozoïdes.
Enfin, un dernier élément déclencheur de ma prise de décision était l’enthousiasme de Lise. Sans qu’elle ne me mette aucune pression, ça semblait vraiment être une perspective libératrice pour elle. Et ça s’est révélé l’être également pour moi !
Pourquoi la vasectomie est-elle taboue selon toi ?
Il y a beaucoup d’explications ! J’en choisis une importante pour moi. Je crois que tout ce qui suppose ou implique – même de manière complètement irrationnelle – l’idée d’une réduction de la puissance masculine, est sujet à tabou. Dans le fond, il y a toujours cette idée de ne pas obérer un futur possible dans lequel l’homme s’est réinstallé avec une autre femme et a d’autres enfants. Comme si c’était une perspective forcément désirable, et que les enfants faisaient partie du lot un peu par la force des choses. En gros, ne pas pouvoir avoir d’enfants rendrait moins apte à séduire une autre compagne (vu que toutes les femmes veulent des enfants et non une relation amoureuse, c’est bien connu) ; et réduire sa capacité à séduire (pour ne pas dire “conquérir”) les femmes constitue une atteinte à la virilité. Je pense que pour beaucoup, c’est une sorte de faiblesse pour un homme que de se placer dans un rôle féminin en assumant la contraception du couple.
L’intervention est-elle douloureuse ?
Je ne peux pas vraiment répondre à cette question à titre personnel, car mon opération n’a pas consisté uniquement en une vasectomie. Un bon ami qui l’a fait de manière classique m’a dit que ça avait duré dix minutes directement en médecine de ville et qu’il n’avait eu aucune douleur postopératoire. Quand on se renseigne sur l’intervention, on se rend effectivement vite compte que c’est bien moins violent que de se faire arracher une dent !
Durant tes démarches, qu’est-ce qui t’a le plus marqué ?
Le délai imposé entre le premier rendez-vous avec l’urologue et la prise de décision est très long : 4 mois ! Je crois que c’est l’un des plus longs du milieu médical. Ça m’a cassé les pieds, car j’étais sûr de moi.
Sinon, mon conseil pour réussir sa démarche : il faut trouver un·e bon·ne urologue et ne pas hésiter à en changer quitte à perdre un peu de temps. Je pense que c’est vrai pour toute intervention médicale, mais l’avantage avec la vasectomie c’est qu’on n’est pas dans l’urgence, alors autant se donner la peine de trouver un praticien ou une praticienne qui nous convienne.
Quelles sont les étapes-clés de la vasectomie ?
Pour mon expérience, j’en retiens deux principalement.
En premier lieu, il me semble important d’être au clair avec soi-même sur les enjeux et les raisons de ce choix. Il convient d’avoir l’esprit ouvert et d’en discuter avec son entourage, et surtout de bien se renseigner en faisant attention à toutes les bêtises qui peuvent se dire sur le web, comme le fait que la vasectomie réduirait l’éjaculation d’un côté ou serait réversible de l’autre. Je dis “être au clair avec soi-même” car pour moi, la vasectomie est un choix qu’on fait pour soi, bien qu’il s’inscrive évidemment souvent dans une relation de couple.
L’autre point sur lequel j’insisterais est la phase de vérification de la réussite de l’opération via un spermogramme. J’ai un peu négligé cette étape en n’allant pas faire la seconde vérification, et c’est dommage qu’un doute puisse planer alors que l’un des intérêts de la vasectomie est justement de ne plus avoir à se prendre la tête avec une possible grossesse…
Quel conseil aimerais-tu donner aux lecteurs et lectrices à propos de la vasectomie ?
Ça vaut vraiment le coup d’y réfléchir, mais il faut veiller à se poser les vraies questions qu’une telle décision implique. Durant des conversations avec des ami·e·s, j’ai observé que ces questions pouvaient révéler des zones de doute ou de fragilité dans une relation de couple. En effet, avec une discussion sur la vasectomie viennent assez vite des questions plus larges ou plus dérangeantes autour du féminisme. Personnellement, je trouve ça super, mais je me rends compte qu’il y a encore pas mal de chemin à parcourir pour avoir des discussions apaisées sur ce sujet.
Le point de vue de Lise :
Je n’imaginais pas à quel point la vasectomie de Joël serait libératrice pour moi : cela a retiré cette charge mentale et physique de mon quotidien. Ça m’a aussi permis de me rendre compte à quel point la contraception est lourde dans nos vies de femme, à tel point qu’on finit par s’en faire une raison et de ne plus la questionner.
Je crois aussi qu’elle a fédéré encore plus notre couple !
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Pour découvrir l’univers de Lise Desportes, rdv sur son site Internet (même s’il n’est plus alimenté) et quotidiennement sur Instagram.
Pour découvrir ses livres :
Jolis sauvages (Steinkis, 2019)
Mon Bullet sacré (First éditions, 2019)
La Parentalité créative, avec Catherine Dumonteil-Kremer (First éditions, 2020)
La Vie zéro déchet dessinée, avec Marjolaine Solaro (First éditions, 2020)
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