Péril ordinaire
© Nan Goldin - The other side (1992)
Par Sabrina Equinoctis
Péril ordinaire
temps oublié/non-vécu
péril ordinaire
abstrait confortable, une chaise, une table et le vide devant soi
absence au monde, labyrinthe mental
noyé dans le maelström du quotidien
j’oublie de voir
péril ordinaire
précarité de l’instant
fugacité du beau
satiété, indigestion de l’aise
je ronfle, repu, trop plein/sans rêve
péril ordinaire
éteindre la flamme
lieu d’aisance de l’âme
réplétion du luxe
sécurité périlleuse, nausée réitérée
éternel retour
péril ordinaire de la mort de l’enfance
angoisse du faire, du dire,
angoisse organisationnelle
mais danse, danse, donc sur le cosmos
ouvre l’envergure de ton regard pour tournoyer
toton de feu, pluie de mouvements
déploie les méandres de tes contradictions
pour nouer et libérer le souffle de ta forge
circonvole, convole, vole
fais la roue, saute au-dessus du feu, dé-limite
délimite les contours de ta démence
dément, ment, pleure de joie et crie en silence
les pléiades de fredaines, les kyrielles de lubies
qui sont ce que tu es,
ce que tu tais
ce que tu tues
Péril ordinaire/complétude,
servitude à la norme
énorme écueil de la conformité
paresse du même, charte polie,
chatte dépoilue
ronronnante, lisse et accueillante
On veut des dents et des angles
des épines et des cailloux
danser sur le fil, lécher la lame
partir nu avec pour seul bagage sa frénésie de forme
sa hargne créatrice,
on veut du désordre et du neuf
de l’erreur et des chutes
on ne veut pas se taire
péril ordinaire
silence chuchotant/ambiance feutrée, politesse et convention
principes et mesures, ordre et progrès
je serai irrévérencieuse, licencieuse
délicieusement provocante
sale jusqu’au délice
échevelée jusqu’au supplice
acariâtre et miellée d’amertume
je cracherai sur les autels pour ériger mon propre culte
je montrerai mon cul dans les tribunaux patriciens
je pisserai debout sur les coutumes et les patries paternalistes
j’inventerai une langue, farcie de chuchotements et de cris
je peindrai de mes menstrues une bannière sacrilège
et légère du poids de mes ans
et auréolée de la foi de ma mécréance
je chatouillerai les bras armés et je moucherai les orateurs
péril ordinaire
refus du commun.
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espace d’espèces
ton souffle se suspend
je n’ai pas inventé le coeur artificiel
avons-nous inventé la résilience ?
ou sommes-nous de piètres pantins mus par un instinct ataraxique
apparatchiks de la norme
excité, tout fou des outils, du conforme
avons-nous oublié de marcher dans les plaines.
Roque le normal/embrasse les Nornes
ta voie rauque l’expire suivant
ta poitrine tant aimée avale l’instant
dans le silence de la nuit
un rêve inquiétant
ton vif éteint étendu détenu
tous meurent même les géantes
comment goûter les jours sans les pleurs de la pluie ?
comment sauter encore sans les rêves enfuis ?
sécurité/carcan/vitalité enfuie
Comment jouer encore si on ne peut perdre ?
Avions-nous oublié la mort ?
sous la pluie des décors et dans nos soupirs sonores ?
avions-nous oublié l’échec ?
du sommet des airs jusqu’aux océans secs
avons-nous cru à notre toute puissance ?
je n’ai pas inventé le coeur artificiel
avons-nous inventé la résilience ?
ou sommes-nous de piètres pantins mus par un instinct ataraxique
apparatchik de la norme
excité, tout fou des outils, du conforme
avons-nous oublié de marcher dans les plaines
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Je serai tranchante comme une lame
je ferai de ma carcasse un squelette d’acier
«qui plie, ne rompt pas»
le feu de la Géhenne fait vriller la beauté
tout se répare, se pare
parable, probable
le coeur sur la table, il court le curé à la table des fauves
à la curée, il chante le fauve
il glapit les chants perdus des hivers perclus, forclos
il grogne le fauve, les mots d’amour des milans
les poèmes des cieux anisés
les fauves pleuvent des fenêtres esseulées
le ciel avide, gravide des mers plumées.
Ils hurlent les fauves sur la terre qui se meurt
ils grattent le sol pour débusquer le soleil
Je serai tranchante comme une faux, je trancherai le mensonge pour délivrer le message
Il est temps de cesse, il est temps de faire cession, cessation
le jour de la nuit se lève
Nos lames obscures n’auront cure de plaire ou de séduire
l’indulgence à l’égard de l’homme, il faut réduire
il ne suffit plus d’être de la norme
la fainéantise et la lâcheté ne seront plus des bornes
trancher pour soigner, séparer la chair malade
lisser les traces dans le sable, tuer les responsables
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le corps et le patriarcat
La patrie du corps est un cas, à part
à partir de là, nous, toi, je
suivons la ligne blanche de tes seins, ...