Nouvelles histoires de venues au monde
par Ana Ressouche (alias Morgane Massart)
“Nous devons avoir de nouvelles images à l’esprit, nous aventurer dans un paysage transformé, raconter de nouvelles histoires.”
Starhawk, Rêver l’obscur
Les femmes ne doivent pas rester seules à porter les enfants. Pas rester seules à les mettre au monde. Biologiquement, certes, c’est en elles que tout se passe. Et c’est déjà beaucoup. Voici des rêves qui envisagent le partage dès l’origine.
Rêve du 23 avril 2019
Dans un frigidaire qui n’a pas été ouvert depuis bien longtemps, dans une maison qui reste de longs mois sans personne et où je reviens pour la première fois après l’hiver (sensation du froid et de l’humidité de la maison pas encore tout à fait réchauffée – le frigo est plus ou moins dans une véranda comme à P., mais la pièce est lumineuse et ensoleillée et c’est une cuisine, je crois qu’il y a aussi un évier, c’est une maison que je connais bien et que j’aime – en tout cas dehors c’est déjà le printemps, il fait frais mais pas froid), dans ce frigidaire resté de longs mois fermé, je retrouve un sac plastique contenant de la terre humide.
Je me souviens qu’il contient des racines de capucines et que c’est moi qui l’ai mis là pour les préserver vivantes pendant l’hiver.
Alors que je sors le sac du frigidaire en me disant que je vais pouvoir planter cette racine pour voir si elle est toujours fertile, quelque chose se met à bouger dans la terre. Je dis à S. : “Viens voir !”. La chose qui remue dans la terre est brune, elle a deux jambes, deux bras, une tête. C’est un bébé nouveau-né que je prends dans mes bras avec émerveillement. Je comprends confusément qu’il est issu de la longue maturation de la terre et des racines. Je comprends qu’il va falloir lui donner tous les soins et tout l’amour dont un nouveau-né a besoin et cela ne me fait pas peur : je suis prête à le protéger et à l’aimer comme s’il avait grandi dans mon sein.
La seule chose qui m’inquiète, c’est : comment expliquer aux gens d’où il vient ?
Rêve du 7 novembre 2021
Je suis à F. avec S., de nouveau c’est une maison amie que je connais bien et où j’ai des souvenirs. Nous sommes dans la grande chambre en bas, sur un lit qui est posé à même le sol. Ce n’est pas l’hiver, plutôt hors saison, peut-être l’automne ou quelque part entre mars et avril. Je ne crois pas qu’il y ait de neige dehors, en même temps ce n’est pas impossible. Ce qui est sûr c’est que la station est déserte et que c’est très calme. C’est précisément pour cela que nous sommes venus ici, pour passer inaperçus. Car S. est enceint de notre enfant. Cela ne se voit pas trop, on pourrait penser que c’est juste un bon vivant et qu’il a un peu de ventre. En réalité, nous avons réussi à faire en sorte qu’il tombe enceint de moi, d’une façon clandestine et assez peu orthodoxe dont les détails ne font malheureusement pas partie des souvenirs qui me sont restés du rêve. En tout cas, ce n’est pas possible, ce n’est pas autorisé pour un homme, d’être enceint. Et si nous sommes ici, c’est parce que le terme est proche et que dans l’urgence nous n’avons rien imaginé d’autre que ça : nous terrer dans une maison amie, loin de tout, et faire cet accouchement tous les deux, juste moi avec lui pour l’assister.
J’ai étendu des serviettes-éponges sur le matelas, je fais bouillir des linges. S. est un peu anxieux et je le rassure. Peut-être a-t-il déjà perdu les eaux. Alors que nous sommes là ensemble, les contractions deviennent plus fortes et il s’allonge. Je suis à ses côtés, je l’aide à respirer calmement. Une contraction plus forte que les autres fait que j’aperçois le haut de la tête du bébé (S. semble avoir une vulve), je sais à présent qu’il est engagé et qu’il va bientôt sortir. Je suis très émue. Il y a encore quelques poussées, la tête se présente bien. Le bébé a des cheveux bruns. S. est très courageux et ne semble pas trop souffrir, il reste calme et concentré, il a confiance en moi. Enfin, la tête sort toute entière et je saisis le bébé pour l’extraire. Il respire pour la première fois, c’est magique. Il a le cordon ombilical autour du cou mais cela ne semble pas le gêner. Il est en bonne santé, c’est un très beau bébé. Je le pose dans les bras de S. qui me sourit, et reprend son souffle. Je coupe le cordon.
Lire le blog d'Ana Ressouche.
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Mettre / Au monde
Le corps des femmes (ou d’une grande partie des femmes) a pour particularité de pouvoir porter et mettre au monde des enfants. C’est une réalité biologique. C’est un processus que l’on a tendance à qualifier de “naturel”. Mais est-il pour autant “normal” ?